Thomas H.COOK
Editions SEUIL
Thomas H. Cook, est à l'image de la femme autour de laquelle gravite cette histoire, un étrange personnage.
Derrière ce petit bonhomme débonnaire et plein d'humour, on a peine à imaginer que se cache une imagination incroyable, voire machiavélique, un magicien qui jongle avec les mots et les émotions, un alchimiste capable en quelques mots de distiller une atmosphère qui imprègne son lecteur pour parvenir à l'emmener sur des chemins qu'il n'aurait pas pensé ou même voulu emprunter.
Si un grand auteur se reconnait, entre autre, à sa capacité à surprendre son lecteur à chaque nouveau roman qu'il publie, alors incontestablement Thomas H. Cook est de cette trempe là. Car " L'étrange destin de Katherine Carr" risque fort de " cueillir " nombre de ses plus fidèles lecteurs !
Toute l'histoire de ce roman tourne autour d'une absence. Celle de Katherine Carr, jeune femme poète qui, vingt ans plus tôt a disparu sans laisser de traces. Enfin si peut être. Un texte, écrit de sa main et conservé jusqu'ici par son amie de toujours.
Georges Gates, lui, est un écrivain voyageur qui a perdu son petit garçon sept ans plus tôt. Celui ci a été enlevé , torturé et assassiné ,et l'auteur de ce crime odieux n'a jamais été identifié. La justice des hommes n'a donc jamais pu être délivrée. Depuis Gates a posé ses valises, cessé de parcourir le monde pour s'enfermer dans le sien. Un monde triste et gris, rempli de remords et de souvenirs.
Aujourd'hui il écrit de petits articles pour un journal local. Portraits de personnalités du coin plus ou moins connus, entrefilets sur des manifestions éparpillées sur le territoire de la commune. Pour oublier le temps, dissiper un instant ses souvenirs, il fréquente parfois le pub de Winthrop où il aime y boire un verre ou deux.
C'est là qu'il retrouve un soir le policier à la retraite qui à l'époque avait mené l'enquête sur la disparition de son fils. C'est lui qui va lui parler de cette autre affaire qu'il n'a jamais pu élucider, celle de la disparition inexpliquée de Katherine Carr.
Vaguement intéressé au début par cette histoire, il finira par s'y plonger complètement à la suite de la lecture d'un premier extrait du texte écrit par la disparue.
Entre temps, il fait la connaissance d'Alice, une jeune fille dont la vie s'écoule par le sablier de la maladie. Atteinte de progéria , elle n'a plus longtemps à vivre.
Envisageant , à sa mort, de rédiger un article sur elle, Gates va finalement trouver auprès de cette petite fille dont le corps se fige mais dont l'esprit reste vif et vagabond , une aide précieuse pour essayer de percer le mystère de la disparition de Katherine Carr.
Car c'est un bien étrange récit que délivre Katherine dans ses écrits. Celle d'une jeune fille qui lui ressemble, qui disparait à son tour. Simple fiction ou témoignage de ce qui lui est vraiment arrivé?
En tout cas celui-ci va rentrer en résonnance avec le drame personnel de Gates, qui n'a cessé depuis la perte de son enfant de se dissoudre dans les remords et la culpabilité de n'avoir pas tenu ce jour fatidique, la promesse faite à son fils d'aller le récupérer à l'arrêt de bus.
Pénétrer dans le roman de Thomas H.Cook c'est comme s'aventurer dans un palais des glaces. On tâtonne, on se heurte, on progresse en cherchant à comprendre la logique du chemin que l'on semble emprunter. Certains s'y perdront peut être, mais ceux qui en ressortiront auront le sentiment et le plaisir d'avoir traversé une histoire insaisissable, impalpable, embarqué dans une sorte de brouillard permanent d'où semble émerger parfois des êtres dont on ignore s'ils sont réels ou s'il s'agit de fantômes revenus d'entre les morts.
La construction de ce roman peut en effet paraitre complexe, car elle s'apparente à un jeu de poupées russes. Nous faisons la connaissance de Georges Gates alors qu'il raconte l'histoire de sa vie à un homme rencontré sur le pont d'un navire. Et cette histoire porte en elle celle de Katherine Carr.
Mais Thomas H. Cook se joue avec brio des difficultés, il désoriente son lecteur sans jamais lui lâcher la main; dresse des portraits saisissants tout en s'attachant à l'emmener au delà des frontières de l'invisible et du non dit. Cela donne un roman sensoriel, où l'atmosphère brumeuse enveloppe son lecteur et devient un acteur à part entière de l'histoire qui se livre sous nos yeux.
"L'étrange destin de Katherine Carr" n'est pas un roman qui s'appréhende facilement, mais c'est assurément un sacré exercice d'écriture que nous offre l'auteur qui démontre une nouvelle fois, s'il était nécessaire encore de le dire, tout le talent de cette plume qui compte parmi les plus grandes du moment.
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L'avis des copains :
Claude a aimé , sa chronique ICI
Cannibals lecteurs aussi, à lire ICI
Mon ami Démosthène lui a nettement moins aimé, c'est par ICI