Gianrico CAROFIGLIO
Editions SEUIL Policier
Traduction : Nathalie BAUER
Elle a disparu. Cela fait 6 mois maintenant. Volatilisée. Aucune trace, aucun indice. Une fugue ? L’envie d’un possible ailleurs ? Rapt crapuleux ? Nous sommes en Italie, pays où le crime est organisé. La tentation est grande pour le lecteur d’aller dans cette direction là.
C’est parce qu’ils sont désespérés et qu’ils comprennent que l’affaire va être prochainement classée que les parents de Manuela, parviennent à convaincre Guido GUERRIERI, avocat de profession de reprendre le dossier pour voir si la police ne serait pas passée à côté d’un élément capital dans son enquête sur la disparition de leur fille.
Touché par leur détresse celui-ci accepte de jouer les apprentis détectives et de reprendre l’affaire à zéro. Le voilà remontant le cours du temps à la recherche des dernières personnes à avoir vu ou côtoyé Manuela. Son ex petit ami, avec qui la séparation fut particulièrement explosive, qui aurait pu faire le suspect idéal, mais son alibi le met à l’abri des suspicions ; Nicoletta et Caterina ses amies avec qui Manuela étudiait à Rome, et Anita, celle qui est la dernière à l’avoir vue vivante, en la déposant à la gare.
« le silence pour preuve » marque ma toute première rencontre avec Gianrico Carofiglio, un auteur italien que je n’avais pas encore eu l’occasion de découvrir jusqu’ici.
Voilà le type de roman policier ( pour un peu le terme même de « policier » serait un peu excessif) indispensable au genre que nous apprécions tant. Car il nous prouve qu’il possible de raconter une histoire sans pour autant devoir se vautrer dans l’hémoglobine, la poudre à canon et la violence à outrance.
C’est un roman épuré, profondément humain que nous offre Gianrico CAROFIGLIO . Un roman qui parle d’une histoire simple, banale, et elle nous est comptée sans artifice, très sobrement. Pas de rebondissement, pas de spectaculaire, de dénouement à couper le souffle. Et ce qui en donne toute sa puissance.
L’avocat avance dans cette histoire avec une certaine langueur, à la manière d’une promenade nocturne dans les rues de la ville comme il aime à faire parfois. Il observe, à l’écoute de ce qui l’entoure, en particulier de ces jeunes qu’il interroge et lui délivrent une partition sans fausse note. Et là, devant cette façade sociale si lisse le rideau des apparences commence à bouger fébrilement, soulevé par le souffle de curiosité de cet avocat.
Ce n’est pas tant dans la trame de ce roman que réside à mes yeux l’intérêt de celui-ci que dans la complexité insoupçonnée de cet avocat, parcouru par des tourments intérieurs, qui aime à poser un instant son existence sur la table d’un bar homo pour s’enivrer d’alcool et retrouver Nadia la propriétaire du lieu, ancienne actrice porno, ancienne call girl qu’il avait un jour défendue, qui écoute mais pose peu de questions.
Et cela va bien à cet avocat ami des livres, pour qui la relation à l’autre n’est pas aussi simple et qui préfère se confier à son sac de frappe quand il enfile des gants de boxe pour se vider l’esprit. Mister Sac est son ami et confident.
Un homme à l’âme mélancolique, un peu fatigué , un funambule qui marche en équilibre sur le fil de la vie, et qui navigue à la frontière toujours floue entre le mal et le bien, l’innocence et la culpabilité, à la recherche de cette vérité qu’on veut lui cacher mais dont il devine la présence toute proche.
Paradoxalement, on ressort apaisé de ce roman et c’est délicatement que le lecteur referme son livre, la pensée tout à ce personnage et cette histoire simple et cruelle.