Le titre de ce billet est un peu provocant je l’avoue ! Non pas que je glorifie le meurtre et l’effusion de sang, mais simplement parce que je souhaite vous parler rapidement aujourd’hui de deux ouvrages qui s’intéressent de près à ce qui fait le fondement même des romans que nous aimons lire : le crime.
Il ne s’agit pas cette fois de romans, mais de deux ouvrages, très distincts, publiés dans deux maisons d’édition différentes qui, pour des périodes assez éloignées l’une de l’autre décortiquent ces affaires qui ont en leur temps défrayé la chronique.
Connues ou non du public d’aujourd’hui, il interroge pour l’un sur la véracité de l’histoire officielle, dresse une certaine anthologie de la médecine légale et de la police criminelle, quand le second, outre de rappeler des faits, s’interroge sur les médias de l’époque dans la formation d’une mémoire criminelle collective qui érige meurtriers et victimes en figures ambivalentes du rêve américain.
LES SECRETS DES GRANDS CRIMES DE L’HISTOIRE Edité à la LIBRAIRIE VUIBERT
Ecrit par Philippe CHARLIER, maître de conférences en médecine légale au CHU de Garches, cet ouvrage nous présente plus d’une vingtaine de crimes célèbres ou non, qui ont émaillé l’histoire de l’humanité. C’est avec son œil de médecin qu’il appréhende ces meurtres. Enquêteur en blouse blanche, l’auteur remonte le temps pour découvrir la vérité.
C’est ainsi qu’il s’intéressera à Zola, à Charles XII de suède, à François 1er et sa femme, morts à quelques jours d’intervalle seulement.
Véritable voyage dans le temps, le lecteur remontera à l’époque de Ciceron , en passant par celle du Duc de Berry, de Lincoln et de Trotski.
En fouillant dans les archives révolutionnaires, en décortiquant les témoignages de l’époque, en confrontant éléments matériels conservés, l’auteur ébauchera parfois une vérité qui n’est pas forcément celle que l’histoire a bien voulu conserver. Au lecteur de se faire sa propre opinion.
A noter un chapitre intéressant sur une brève histoire de la médecine légale.
Du plus ordinaire au plus célèbre, l’auteur fait l’autopsie de ces crimes qui émaillent l’histoire des grands de ce monde ou des plus humbles des individus.
CRIMES ET PROCES SENSATIONNELS A LOS ANGELES aux Editions EDITE
Signé Nausica ZABALLOS, cet ouvrage s’intéresse lui à une époque plus contemporaine. Celle du Los Angeles des années 20 aux années 60, dont le crime le plus retentissant fut celui qui défraya la chronique sous le nom de « Dalhia noir », repris de manière magistrale par James ELLROY dans son roman du même nom.
Si ce crime s’est inscrit durablement dans la mémoire collective, il a aussi du même coup éclipsé des affaires toutes aussi effroyables et retentissantes à l’époque mais que le temps et les mots d’Ellroy ont figé dans le passé et dans l’oubli.
Car n’allez pas penser que les meurtres sanglants et sordides soient l’apanage de nos sociétés modernes malades.
Prenez par exemple cette histoire qui remonte à 1927. Marion a 12 ans. Fille d’un riche banquier celle-ci est enlevée à son école par Willim Edward Hickman qui arrive à convaincre les responsables de laisser la petite fille partir avec lui car son père vient d’être victime d’un terrible accident de la route.
Une histoire d’enlèvement comme il y en avait souvent à cette époque mais qui va se transformer en histoire particulièrement horrible.
Le kidnappeur surnommé le Renard est un jeune homme déterminé, ancien employé de la banque du père de la jeune victime. Par télégramme, lettres anonymes et coups de téléphone il dicte ses exigences à la famille pour qu’elle lui verse une forte rançon. Le père s’exécute et se rend au lieu de rendez vous.
Dans la voiture du ravisseur, le père aperçoit sa fille, qui semble calme. Il paye la rançon, et au moment de quitter les lieux le kidnappeur projette la jeune fille au sol par la portière du véhicule.
Mais quand le père se précipite vers son enfant inanimée, c’est un corps atrocement mutilé qu’il sert dans ses bras. Seul le torse et la tête de la petite fille ont été rendus et Marion a été éviscérée.
Au-delà du sensationnel des évènements, Nausica ZABALLOS s’intéresse tout particulièrement à l’impact de ce genre d’affaire sur l’imaginaire collectif, à une époque ou le cinéma prend tout son essor, où la presse à sensation se repaît de ce genre de drames et que les chroniques judiciaires connaissent leur âge d’or.
Une presse qui fabrique des héros et des monstres en s’arrangeant souvent avec la vérité. Une époque où « un jeu de miroirs malsain se met en place entre les criminels et la presse » où « désireux d’obtenir de nouvelles déclarations à l’emporte pièce, les journalistes attisent les frictions qui peuvent exister entre enquêteurs, jurés, accusés et familles de victimes. »
A travers ces affaires, les procès qui s’ensuivent, l’auteur dresse aussi le portrait d’une époque et d’une société californienne qui prendra progressivement conscience que les faits divers ne sont pas seulement du spectacle à bon compte nourrissant sa curiosité morbide, mais que ceux ci la questionnent également sur ses valeurs morales et sur sa perception de la folie meurtrière.
L’ouvrage interpelle aussi sur la place de cette presse qui, sans aucun doute à contribuer à la réalisation de ces carrières criminelles, où la quête première du tueur n’était pas tant une satisfaction financière ou une vengeance à assouvir que la volonté d’être sur les feux de la rampes et d’occuper un temps l’espace médiatique.
Si cet ouvrage ne nous apprend rien de nouveau quant au rôle que peut parfois jouer les médias, il n’en reste pas moins un excellent livre très bien documenté sur cette période folle de la vie californienne qui nourrira par la suite l’imaginaire de bons nombres d’auteurs américains.