HEINRICH STEINFEST
Editions MONTPARNASSE
( carnets nord)
traduction: Corinna GEPNER
Loufoque ! Déjanté ! Ovni littéraire ! Les qualificatifs ne manquent pas pour parler du dernier roman d’ Heinrich Steinfest « Le onzième pion » , auteur qui avait déjà été remarqué par la critique pour son précédent roman « requin d’eau douce ».
Ovni , peut être pas finalement, car les extra terrestres sont sans doute bien la seule chose que l’on ne trouve pas dans ce livre atypique !
Ce roman est comme une excroissance, un appendice dans le paysage du polar. N’entendez pas par là une verrue, un furoncle ou autre forme disgracieuse qui viendrait gâter le genre que nous affectionnons.
Non au contraire, il s’agirait plutôt d’une sorte de grain de beauté, ce petit point de fixation sur lequel s’accroche le regard et qui révèle la beauté et donne plaisir à lire.
Ce roman tend dans des directions que nous n’avons pas l’habitude de côtoyer, ne s’interdit aucune limite, baignant dans le genre policier , caressant la mythologie, tutoyant le fantastique, susurrant la science fiction, il est à lui seul , tout un univers. Et dans celui-ci, point de gravité, tout tourne en tout sens, tantôt palpable, tantôt insaisissable, ce roman esseule son lecteur, l’abandonne en quasi lévitation pour mieux s’en saisir à nouveau et le projeter à l’autre bout du monde.
Et dans celui-ci nous y retrouvons Lilli Steinbeck, flic de son état qui se voit confier une enquête pour la moins originale. Spécialiste des questions d’enlèvement, elle enquête sur celle de Georg Stransky.
Cet homme sans histoire, spécialisé dans les espèces disparues, dinait avec femme et enfants quand une pomme jetée de l’extérieur, a éclaté la vitre de son salon avant de rouler au sol. Une mauvaise farce sans doute, des quelques garnements du quartier. Sauf que le lendemain Stransky s’est volatilisé.
Or il s’avèrera qu’il est la huitième personne dans le monde à disparaitre de cette manière, après avoir croqué cette pomme tentatrice !
Des lors, Lilli va se lancer dans une enquête hors norme, hors du commun des mortels. Car il se pourrait bien que cette fois ci les dieux aient décidé de se distraire aux dépends des hommes, et que ces derniers, pions sur un échiquier imaginaire, n’aient même pas un Batman pour les protéger !
Dans ce patchwork de situations loufoques, pris dans le shaker d’une aventure incroyable, rien ne sera épargné au lecteur. De découverte zoologique majeure en visite de planète en carton patte en passant par des assassins aimant jouer de la poiscaille, il déambulera dans le dédale particulièrement sinueux de l’imagination de cet auteur !
Et pour l’accompagner, des personnages hauts en couleurs.A l’image de Lilli Steinbeck, femme flic efficace, qui aurait pu être belle sans ce nez à la forme si particulière, comme un coup de gomme jamais corrigé, une œuvre inachevée, rappelant l’imperfection des hommes. A ses côtés dans l’aventure, un homme obèse et handicapé, le détective privé Killimachos, lent et pourtant terriblement redouté, qui a cette faculté extraordinaire d’éviter les balles de s’épargner les conséquences douloureuses des explosions, mais qui a tendance à s’endormir n’importe où.
Vous l’aurez compris ce roman est un genre à lui tout seul. Transgressant les codes pour mieux les réinventer, Heinrich Steinfest nous livre un roman remplis d’aphorismes, et qui porte sa propre cohérence. Tantôt roman policier, tantôt livre d’aventure, touchant parfois à la philosophie , bourré d’humour et de situations cocasses, le lecteur à la sensation d’avoir embarqué dans un manège de montagnes russes qu’il ne peut maîtriser mais dont il ne voudra pas pour autant descendre !
Un roman qui court sur le monde, claquant de balles, se coloriant d'explosions, et dont les volatiles ne seront pas les seuls à laisser des plumes.
Au fil de ses romans Heinrich Steinfest crée un univers qui lui est propre. Parfois déroutante, souvent déstabilisante, il construit une œuvre à part qui fait de cet auteur allemand, sans doute l’une des plumes les plus originales de ces dernières années.
Et on en redemande !
Une excellente chronique d'un blog tout aussi excellent , celui du " Vent noir": link
l'avis de Carnets Noirs link
et celui de mon ami Yan d'Encore du noir link